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Portrait Art Today, préface de Francis Parent

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Apres avoir traité du « Nu », puis de la « Nature », lors de précédentes publications dans cette même superbe collection (2), voici donc un nouvel opus consacré cette fois au « Portrait ». Mais ici, plus que précédemment, il faudrait d’ abord expliciter ce que recouvre ce titre. En effet, qu’ est-ce qu’ un portrait : une tête ? Un visage ? Un masque ? Une figure ? Un faciès ? De fait, les aphorismes associés à ces qualificatifs montrent l’ ampleur du problème. Quelques exemples : « portrait tout craché » ; « faire la tête » ; « envisager quelque chose » ; « faire face » ; « faire bonne figure » ; « démasquer », etc. On imagine bien qu’ une telle polysémie puisse renvoyer à une quantité importante de questionnements ! Et aussi, pour l’ acception artistique du terme qui nous occupe ici, existe-t-il un genre « Portrait » spécifique ? Et si oui, quelles en sont les caractéristiques ? D’ abord dans ses limites morphologiques : jusqu’ à quelle distance dans la répartition des parties représentées d’ un modèle peut-on considérer que l’ oeuvre ressortit du portrait de ce modèle ? Et cette représentation doit-elle être obligatoirement faite de façon homothétique, c’ est-à-dire à l’ échelle 1 sur 1 ? S’ il est vrai que la quasi-totalité des portraits de l’ Histoire de l’ Art (sauf quelques exceptions notables : notamment les têtes énormes en pierre des Moaï de l’ Ile de Pâques) a été réalisée à cette échelle afin de mieux leurrer « le regardeur » (comme l’ appelait Duchamp), qu’ en est-il alors des figures hyperréalistes – mais énormes – du célèbre sculpteur australo-britannique Ron Mueck, ou des personnages tout aussi énormes flottant dans le ciel, tels des ballons dirigeables, du Polonais Paul Althamer, ou bien encore des têtes monumentales (plusieurs dizaines de mètres à chaque fois) érigées par ce que l’ on pourrait appeler des « artistes-alpinistes », que ce soit dans les montagnes rocheuses du Rushmore, au Dakota, pour les portraits des quatre premiers présidents américains, ou dans les glaces d’ un festival hivernal tenu depuis 1963 dans la province chinoise de Hei-Long-Jiang (800 000 visiteurs à la dernière édition !) ? Limites environnementales ensuite : le portrait n’ est-il « portrait » que lorsqu’ il représente seulement la tête du modèle ou l’ est-il aussi lorsqu’ il est entouré d’ autres motifs ? On peut aussi se demander quels artistes relèvent de cette thématique spécifique ? Des artistes n’ ayant réalisé durant toute leur vie créative que des portraits ? Auquel cas ce livre serait bien mince car il y a très peu d’ artistes qui, comme Chuck Close aux Etats-Unis, ou Pierre Lamattie en France, n’ ont fait quasiment que du portrait ! Ou tous ceux qui, parfois, ont fait un portrait ? Dans ce cas, il y aurait alors quasiment tous les artistes puisque chacun, au moins quelques fois durant sa formation, a fait des « études de Nus » ou de « Portraits » ! Le parti pris, ici, sera donc de sélectionner des artistes, bien sûr d’ abord sur un critère de qualité, mais aussi sur l’ évidence qu’ ils aient travaillé essentiellement sur cette thématique.

Qu’es que le portrait ?

Pour répondre à ces premiers questionnements, il faut d’ abord relever que « le Portrait » a été un genre ainsi dénommé, en particulier aux XVIe et XVIIe siècles, bien que les modèles aient été souvent représentés… « en pied ». Ainsi du « Portrait des époux Arnolfini » de Jan Van Eyck (1434), figurés en entier dans leur appartement que l’ on devine luxueux (ils étaient de riches marchands toscans établis à Bruges) avec des détails minutieusement peints (grâce à l’ acquisition, nouvelle alors par les Flamands, de la peinture à l’ huile, comme l’ a justement relevé Henri Focillon). Dont le fameux miroir rond et bombé, au fond de la pièce, qui reflète, comme en abyme de sens, le couple bien sûr à l’ envers, mais aussi des regardeurs de la scène (comme l’ Artiste…) évidemment invisibles, tout comme les spectateurs passés et à venir de cette oeuvre fabuleuse. Autre exemple plus récent : le Portrait d’ Emile Zola de Manet (1868), montrant l’ écrivain là encore « en pied », en pleine réflexion, assis à son bureau encombré d’ objets servant à sa création (dont une petite reproduction au mur de la célèbre Olympia peinte par… lui-même !). Un exemple plus contemporain ; les photos de personnages entiers de Matthew Barney, mais dont l’ accent créatif est mis d’ évidence sur la tête de ces modèles. Toute une symbolique apodictique donc, que l’ on retrouvera souvent, y compris jusqu’ ici même avec, par exemple, Margot Lazar dont l’ Autoportrait, toujours en pied, dépeint bien l’ existence actuelle d’ une certaine bohème artistique dans un café emblématique du milieu Saint germanopratin. Pour cette catégorie de « réalisme » on voit bien que l’ appellation « portrait » recouvre non seulement la re-présentation d’ un visage reconnaissable, mais aussi la présentation des éléments qui l’ entourent comme affirmation de la position socio-économico-culturelle occupée par le modèle. On comprend ainsi mieux comment cette portraitisation de choses réelles (ou fantasmées) a pu servir (et cela bien avant l’ apparition de l’ affiche publicitaire ou celle du « Réalisme socialiste » !) de propagande massive pour diverses idéologies… Particulièrement celles religieuses – qu’ elles fussent catholique (cf. l’ iconographie correspondante, abondant partout dans [pour ne pas dire encombrant…] nos musées et nos églises…) ou protestante (cf. les nombreux Portraits de Martin Luther peints par Cranach au XVIe siècle) – ou encore celle médiatique, puisque dans nos sociétés actuelles, le visage d’ un présentateur TV, par exemple, est devenu une « production sociale » qui possède un immense pouvoir en terme d’ « audimat »… Autre questionnement, formel cette fois : quand peut-on dire qu’ il y a encore « portrait » (sauf titre explicite de l’ oeuvre) lorsque les déformations des lignes, la saturation des couleurs, la criardise des contrastes, la disparité des matériaux, etc., forgent ce qui deviendra « l’ art moderne » et a fortiori « l’ art contemporain » ? Car si le portrait, et aussi « l’ autoportrait » (mais, sur ce sujet, il faudrait consacrer une étude spécifique tant il est abondant depuis Giotto ou Rembrandt [qui, vanitas vanitatum, en a fait de nombreux !] jusqu’ à Warhol en passant par Courbet [ah ! son autoportrait halluciné !]) avaient d’ abord pour but, surtout depuis l’ Art classique, de fixer une ressemblance, on sait qu’ avec l’ art plus récent, ce ne sera plus la préoccupation essentielle. Ainsi, depuis Picasso au début du siècle, jusqu’ à nombre d’ artistes d’ aujourd’ hui, ce ne seront souvent que quelques traits ou taches (parfois totalement géométriques comme, par exemple, avec les Têtes de Jawlensky) qui, bien que sans aucune « ressemblance », seront placés tout de même dans cette catégorie du « Portrait »… De plus, si ce livre concerne évidemment l’ art d’ aujourd’ hui dans nos sociétés occidentales (et essentiellement en France), il faudrait aussi évoquer le fait que ce type de questionnement a concerné – et concerne encore souvent – des civilisations qui ont été (qui sont…) « autres », de par leurs époques et/ou leurs continents (par exemples les « Portraits funéraires » ultra-réalistes du Fayoum dans l’Égypte du IIe siècle ap. J.C., ou bien encore les divers masques rituels de l’Afrique multi-ethnique et pré-colonialiste). Si la réponse est donc complexe, elle réside en tout cas – et comme toujours – dans la compréhension des choses resituées dans leur temps et leur espace social, culturel, politique.

Le visage

En effet, tous les peuples de toutes civilisations ont eu, bien évidemment, une tête et il y a donc eu obligatoirement des milliards d’ individus avec des visages toujours différents (sauf quelques rares cas de réels « sosismes »). C’ est donc par ce visage toujours identique/toujours différent qu’ il est possible d’ identifier une personne, ce qu’ exprime bien Emmanuel Levinas lorsqu’ il écrit : « le visage est le premier accès à l’ altérité ». Accès à la compréhension de ce qu’ est cet « autre » ; c’ est pourquoi il n’ est pas étonnant que certaines religions aient fait (et continuent de faire…) obligation à leurs femmes d’ éradiquer leur visage derrière un « nikab ». Ainsi, la moitié d’ une population, « l’ autre » n’ aura-t-elle plus d’ existence publique puisque reléguée à la sphère privée, c’ est-à dire en fait, à la servitude du sexe dit « fort »… Des milliards de visages, des milliards de différences, ce qui explique qu’ une « carte d’ identité » comporte obligatoirement une photo de visage, neutre, et non une photo « en pied », plus discursive. A noter que malgré les nombreux métissages intervenus au cours des millénaires, on peut toujours relever certaines similitudes faciales qui permettent d’ affirmer une appartenance à une race, un peuple, un sexe. Sur ce dernier point, pourtant, des coutumes lointaines (ou plus proches, avec les avancées politico morales de notre « Société du spectacle » telle que décrite par Guy Debord) ont souvent essayé de gommer les différences naturelles. De l’ Empereur romain Elagabal qui, au IIIe siècle, aimait se travestir en femme jusqu’ aux « Berdaches » d’ Amérique du Nord qui, au XIXe siècle encore, se déguisaient en femme pour être mieux perçus comme « prophètes » par leur communauté indienne, l’ homme (y compris, bien sûr, la femme ; cf. les « Amazones »…) a toujours essayé d’ atteindre une communion heureuse acquise entre corps et esprit, par delà la réalité mal vécue d’ une sexuation innée. Et si l’ expression « maquillage » n’ a été forgée qu’ au XIXe siècle par Baudelaire, il faut remarquer que cette action s’ est, de fait, toujours pratiquée – par exemple pour les yeux – depuis l’ Ancien Empire Egyptien avec le « khol » (à base de galène noire pilée), jusqu’ au fardage, cinq mille ans plus tard (et toujours aussi noir !), de nos coquet(te)s d’ aujourd’ hui. Maquillage qui, par sa fonction « d’ enjoliveur » de la réalité (avec tous les jeux possibles entre « vérité du trait » et « mensonge de la couleur »…), renvoie alors, par delà la réalité objective des sexes, à la notion subjective de « beauté ». Et si l’ on suit Umberto Ecco lorsqu’ il dit : « ce qui est beau c’ est ce qui plaît », il faut bien voir que la Beauté – les « canons de la Beauté » – n’ ont pas toujours été identiques au cours des temps et des continents. « La beauté n’ est pas une qualité inhérente aux choses elles-mêmes, elle existe seulement dans l’ esprit qui la contemple et chaque esprit perçoit une beauté différente », disait justement le philosophe David Hume au XVIIIe siècle. Mais nous n’ allons pas entrer ici dans cette problématique ; trop de philosophes et d’ esthéticiens, de Platon à Hegel, ont déjà rempli de logorrhées des volumes entiers sur ce « sujet-bateau »… (remarquons qu’ à l’ inverse, la notion de « laideur » a été plutôt esquivée par ces mêmes philosophes, bien qu’ il y ait toujours eu, malgré tout, une « Fascination de la laideur » telle que l’ a analysée Murielle Gagnebin). Et si des jugements de goûts peuvent être identiques par delà les siècles ou les continents, c’ est qu’ ils relèvent moins d’ hypothétiques invariants absolus, que de marqueurs consensuels d’ un certain type de société qui se perpétue. Exemple : lorsque l’ historien d’ art Giorgio Vasari écrit, à propos de La Joconde , déjà près d’ un demi-siècle après sa création par Léonard de Vinci en 1503 : « Mona Lisa était très belle », et si, quelque cinq cents ans plus tard, nous sommes encore enclins à exprimer le même jugement, c’ est tout simplement parce que, en fait, nous sommes toujours dans un même type de société occidentalo-théologico capitaliste… Analysons tout de même un peu plus ce que recouvre ce mot « portrait ». D’ abord, de tous temps, on a cherché, par la représentation de cet extérieur visible à percer le monde intérieur, à établir un lien entre visible et invisible, entre vécu et expressions de ce vécu. Ainsi, dès l’ Antiquité, le portrait était-il déjà d’ une grande qualité, même s’ il était simplifié, voire magnifié. Par exemple, le Sphinx de Gizeh (Egypte, 2500 avant J.-C.), cet énorme lion de pierres en garde des pyramides, avec un visage humain, dont on sait maintenant qu’ il était le portrait d’ un souverain de cette IVe dynastie (à noter que des « Soufistes » – confrérie musulmane ascétique – ont cassé, vers le XVe siècle, le nez de ce Sphinx pour montrer à la population qui continuait toujours à vénérer ce quasi-Dieu, que cette tête n’ était que de la pierre…). Ou bien, à l’ autre bout du monde, la tête colossale et monolithique de la «Venta » qui était le portrait d’ un chef de guerre de cette civilisation Olmèque du IIe millénaire avant J.-C. Ensuite, la représentation « réaliste » a plutôt périclité en Occident, essentiellement à cause des religions « révélées », l’ Islamisme allant même jusqu’ à proscrire « le portrait ». S’ il aura fallu attendre la Renaissance pour que cette notion de « portrait » revienne à l’ honneur, c’ est que les débats théologiques de la chrétienté médiévale avaient fini par concéder que seule la ressemblance de nature humaine pouvait être représentée avec ses « caractères » en image, et pas la ressemblance « divine ». C’ est Giotto qui, le premier, à Assise au XIIIe siècle, peindra des hommes avec des visages « expressifs », forgeant ainsi l’ idée, comme l’ écrit Boris Cyrulnick, que « la personne venait de naître dans la pensée occidentale ». L’ avènement même du mot « caractère » vient du Grec « charakter », signifiant une sorte de « modelage », de « gravure », mais aussi la « particularité » de quelque chose, donc le « caractère », la « caractéristique » dont elle est empreinte. La ressemblance devient alors possible entre tête vivante et ses représentations avec leurs détails particuliers, leurs « caractéristiques ».

Étymologie, sygnifications et origines

Le portrait peut ainsi devenir preuve naturelle de la similitude entre « représenté » et « représentant ». Le mot « portrait », lui, vient du mot latin « protahere » signifiant « tirer de », donc tirer la forme de quelque chose ou quelqu’ un de telle façon qu’ elle puisse être reconnue de tous temps grâce justement à ses caractères. Pline l’ Ancien (1er siècle ap. J.-C.) raconte que ce serait un potier qui, le premier dans l’ Antiquité grecque, aurait façonné avec de la terre, l’ ébauche d’ un portrait à partir de l’ ombre portée sur un mur d’ un homme qui allait quitter le pays et que sa fille aimait, lui laissant ainsi un souvenir matérialisé de l’ être disparu. Origine de l’ habitus qui a fait que, bien avant l’ invention de la photographie, il sera d’ usage de transporter avec soi, lors de voyages, ou pour une mémoire post-mortem, des miniatures peintes à l’ effigie de l’ être manquant. Enfin, ceux qui pouvaient se permettre cette petite folie ! Car ne jamais oublier que les beaux et grands portraits qui ornent nos musées étaient à leur époque d’ abord signes d’ un rang social élevé ! Le désir d’ appropriation de « l’ Autre » débouche aussi, psychanalytiquement parlant et comme l’ a montré Jacques Derrida avec son concept de « DifférAnce », sur le besoin narcissique de vouloir posséder cet « Autre » qu’ est soi même (le fameux « je est un Autre » de Rimbaud ), d’ abord par le miroir puis dans la représentation fidèle. Avec tous les jeux possibles entre absence/présence et entre représenté invisible et miroir matérialisant cette absence. Ainsi des Ménines de Velasquez, où l’ artiste se représente lui-même de façon « réaliste », en grand et de face, en train de peindre son sujet, le couple royal Philippe IV d’ Espagne et sa femme (ce qui n’ était pas rien !), tandis que celui-ci, évidemment absent puisque à la place des « regardeurs » de l’ oeuvre, est relégué… dans le reflet d’ un miroir, en assez petit et plutôt flou ! Ce qui renvoie aussi à la légende de Narcisse qui, amoureux de sa propre image reflétée dans l’ eau, voulut la posséder en l’ attrapant, le brassage de l’ eau faisant évidemment disparaître la beauté de ce pseudo miroir mythologique, entraînant alors sa propre mort. D’ où les innombrables représentations dans l’ Histoire de l’ Art de jolies jeunes femmes tenant un miroir, non seulement comme métaphore subtile d’ un « jeu/je » sur la recherche d’ identité puisque, comme le disait Jacques Lacan « le stade du miroir (est) formateur de la fonction du je », mais aussi comme métaphore plus terre à terre ; celle d’ une beauté et d’ une jeunesse qui ne sont pas éternelles et que la mort effacera de toute façon… Cette thématique de la précarité de la vie existe donc depuis longtemps en art ; elle se développera même au Moyen Age au point de devenir, au XVIIe siècle, un « genre » en soi appelé « Vanités » (que l’ on retrouve aussi en littérature, par exemple avec Le Portrait de Dorian Gray d’ Oscar Wilde). Un genre qui sera traité en général de façon plutôt abrupte ; ainsi de toutes ces oeuvres montrant de jolies jeunes femmes tenant dans leurs mains un crâne de squelette ou, encore plus radicalement, de ces crânes représentés seuls, tels des métaphores on ne peut plus explicites de la finitude de la vie… (ce qui se perpétue aujourd’ hui et ici même avec, par exemple, Bonacorsi ou Abadie). Mais aussi, parfois, de façon plus subtile, avec cette sculpture exceptionnelle du XVIe siècle allemand en bois polychrome, montrant une jolie femme, en pied, avec un visage jeune lorsqu’ on regarde la pièce de face, mais avec, sculpté derrière la tête – caché donc et visible grâce à un miroir disposé en fond – le même visage avec les stigmates de la vieillesse… Une « réflexion » subtilement matérialisée sur le caractère précaire de la vie ! Cette thématique mortuaire restera d’ ailleurs extrêmement prégnante jusque dans l’ art d’ aujourd’ hui, même si ses formes d’ apparaître seront plus sophistiquées. Ainsi de Valérie Rauschbach qui, ici, nous montre par une simple variation de lumière sur la frêle matière incrustée à la surface de ses toiles, comment on passe (dans l’ esprit de Soulages) de la présence à l’ absence, donc de la vie à la mort. Ou d’ André Chabot qui a passé sa vie à photographier les monuments anthropomorphes sculptés sur les tombes des cimetières du monde entier. Et, bien entendu, du fameux Crâne de Damien Hirst, tout en platine moulé et incrusté de 8 601 diamants. Un « crâne céleste, presque divin », ose écrire le grand historien d’ art Rudi Fuchs… Sauf que, lorsque l’ on sait qu’ il vaut actuellement plus de 60 millions de dollars, on comprend mieux que ce « divin » là renvoie plus à la nature du « Financial Art » tel que l’ a dénoncé Aude de Kerros (3), qu’ aux « Vanités » empreintes de religiosité du XVIIe siècle… Cette remarque financière nous conduit alors à poser une autre interrogation : à partir de quelle « valeur » d’ une oeuvre (pour le portrait mais cela est évidemment valable pour tout autre type d’ oeuvres) est-il justifié d’ en parler ; à partir de quand sa valeur la légitime-t-elle dans le champ de l’ histoire de l’ art ? Exemple : le Portrait du Pape Paul III avec ses petits fils peint au XVIe siècle par Le Titien, ne fut jamais payé par le commanditaire et il resta ainsi, en partie inachevé, oublié dans les caves du Saint Siège, jusqu’ à ce qu’ il devienne, récemment, l’ un des « chefs-d’ oeuvre » du musée de Naples… Autre exemple : un « Portrait » de Lucian Freud, qu’ un conservateur intelligent du tout nouveau musée construit à Beaubourg en 1977 (si, si, il y en a eu au moins un : Jean Clair….) proposa à une commission d’ achat pour 20 000 francs d’ alors (quelque 3 000 € actuels)… et qui fut refusé ; le même, aujourd’ hui, valant… une trentaine de millions d’ euros ! Car, intérêts financiers et jeux esthétiques fluctuants, Freud est désormais le peintre le plus… « chair » du monde… Et aussi le plus révélateur qu’ en art, les « valeurs » ne sont pas « éthérées », mais bien variables en fonction de rapports de forces esthétiques, politiques et économiques du présent. Mais reprenons un peu notre fil de l’ histoire de l’ art en fonction de notre thématique. Si en Europe, le « gothique international » a validé l’ idée même du « portrait » comme art noble en soi – c’ est-à-dire valorisant les attributs, les « caractères » du visage – c’ est la Renaissance qui comprit que, si à ces simples visages on juxtaposait de riches vues d’ intérieur ou d’ extérieur, on montrait/démontrait ainsi une position sociale, politique et culturelle plus « lisible ». C’ est que la Renaissance accouchait d’ une « nouvelle société » où l’ Homme devenait plus maître de son environnement, et ce sont alors ces nouveaux rapports entre « individuel » et « sociétal » qui nous sont ainsi présentés… bien « en face ». Par exemple, les Ménines, le chef-d’ oeuvre de Vélasquez, n’ est pas seulement le champ d’ expérience picturale que nous avons déjà évoqué ; il a été aussi conçu pour appuyer le projet difficile de Philippe IV de transmettre le trône d’ Espagne à sa fille Marguerite. De même, les autoportraits qui se répandent alors, devenant un genre en soi comme nous l’ avons déjà évoqué, sont-ils aussi le signe de la nouvelle importance conquise par l’ individu-artiste. Cela se constate depuis le classicisme éclairé d’ un Rembrandt ou d’ un Titien, jusqu’ au « Réalisme » cru d’ un Courbet ou d’ un Riveira, et plus récemment, depuis les déconstructions plus ou moins avancées d’ un Picasso ou d’ un Bacon, jusqu’ à l’ exorcisation du visage chez un Warhol ou un Jeff Koons. A noter que, si c’ est la perfectibilité artisanale du miroir qui, à la Renaissance, fit décoller ce genre du « Portrait » (et de « l’ autoportrait »), ce le sera paradoxalement surtout par l’ entremise de l’ artiste masculin, car peu d’ artistes du « deuxième sexe » (Beauvoir) jouèrent de cet attribut pourtant typiquement féminin. D’ abord parce qu’ il aura fallu attendre longtemps pour que le statut d’ artiste-femme s’ autonomise avec les conquêtes sociales de l’ ère industrielle. Ensuite, parce que ces rares représentations étaient plutôt mal perçues, car ressenties soit comme des moments d’ intimité de la toilette, à cacher donc pudiquement, soit comme luxure fantasmée à proscrire, soit encore plus récemment, comme repli sur soi, tel que l’ a douloureusement exprimé une artiste comme Frida Kahlo. Il faudrait aussi approfondir la question suivante : quelle est la partie du corps humain qui est représentée dans le portrait ? Et aussi quelle est sa position par rapport au spectateur de l’ oeuvre ? D’ évidence, cela est fonction du but recherché, et ces buts ont aussi varié au cours du temps. Si Fouquet puis Clouet adoptent la position de trois quarts et un cadrage étroit du portraituré, descendant à mi-corps et y incluant systématiquement les mains, c’ est alors pour mieux montrer « l’ expressivité » de son visage, et combien celui-ci est hiératique et impose sa « monumentalité » (« c’ est un monument ! »). Ainsi du Portrait de Charles VIII (Fouquet, 1450) ou celui de François Ier (Clouet, 1527). Plus tard, après Holbein – ou Titien qui s’ inspire de la sculpture antique pour peindre le Portrait équestre de Charles Quint (1548) – c’ est Rubens et surtout Van Dyck qui fixeront les normes de positionnement des portraits royaux. Les tableaux officiels iront alors de plus en plus vers ce que recommandait de faire aux jeunes artistes l’ esthéticien Robin, dans son Encyclopédie Méthodique (1792) : « Donner à leur modèle le physique que l’ Histoire leur attribuera ». Ce qui restera d’ ailleurs toujours le cas, depuis cette époque jusqu’ à l’ art moderne. Par exemple : le Portrait de Monsieur Bertin (1832), dans lequel Ingres représente, sur fond neutre, la masse puissante de ce premier grand patron de presse, telle une métaphore de l’ ensemble de la nouvelle bourgeoisie libérale (celle du « juste milieu ») qui soutient la Monarchie de Juillet. Ou plus récemment avec Picasso, qui, peignant le Portrait de Gertrude Stein , lancera : « Vous trouvez que ce n’ est pas ressemblant. Ne vous inquiétez pas, elle finira par ressembler à son portrait ». L’ arrivée des « portraits psychologiques » va faire abandonner le décorum cernant ces portraits convenus, pour se recentrer sur les traits d’ expressions, quitte à les accentuer. Ce que confirmera le développement de la « Caricature » depuis lors jusqu’ à nos jours (avec, comme ici, d’ un côté le grotesque d’ un Christophe Faso, de l’ autre, la dérision implacable du Système artistique actuel par Pierre Pinoncelli). Tous ces procédés qui révèlent une nouvelle « physiognomonie ». Ainsi de l’ engouement aux XVIIIe et XIXe siècles pour le portrait au pastel, une technique capable de saisir au plus vite (avant l’ arrivée de la photographie) les mimiques affectant la physionomie d’ un visage (cf. Boucher puis Carpeaux). L’ avènement de la psychiatrie (Charcot) puis de la psychanalyse (Freud) firent que, du romantisme à l’ expressionnisme, les portraitistes entendront de plus en plus déchiffrer et représenter ces « passions » secrètes de l’ âme (« le visage est le miroir de l’ âme » écrivait Cicéron dès le IVe siècle av. J.-C.) et les représenter sous une forme exacerbée, soit par le dynamisme des lignes, soit par la violence des couleurs. Et à partir du moment où Cézanne avoue « peindre une tête comme une porte, comme n’ importe quoi », l’ objectif du portrait (mais aussi du reste des autres thématiques) va se déplacer, le sujet s’ effaçant au profit de ce qui le matérialise, c’ est-à-dire la peinture elle-même, ouvrant ainsi la voie à toutes les recherches abstraites et à tous les nouveaux « ismes » : cubisme, futurisme, expressionnisme… Ainsi des « Portraits » de Picasso qui iront d’ un « cubisme » totalement méconnaissable pour son galeriste Kahnweiler (1910) à celui, encore très déformé mais reconnaissable, pour sa compagne photographe Dora Maar (1937), ou ceux de Matisse qui, partant du portrait de Baudelaire par Nadar, n’ en retient que quelques lignes essentielles. Si l’ on peut critiquer l’ affirmation de Cicéron, car trop simpliste, on ne peut toutefois pas nier que le visage est le lieu principal de l’ expression de nos sens. Et de nombreux artistes se sont inspirés de ce constat (Quentin de La Tour disait [cité par Diderot] : « Ils croient que je ne saisis que les traits de leur visage, mais je descends au fond d’ eux-mêmes »), à commencer par ceux de l’ Ecole réaliste française du XIXe siècle, qui se sont amusés à représenter des portraits d’ hommes exprimant par exemple « la jouissance du gourmet dégustant un plat d’ huîtres ; le ravissement du mélomane à l’ écoute d’ un opéra de Mozart ; la détresse d’ un homme contemplant le chaos » (Yvan Brohard). Un phénomène qui a aussi existé dans d’ autres civilisations, mais là, plus comme signes prescripteurs. Ainsi, des masques effrayants du Ve siècle av. J.-C. en Grèce, destinés à chasser les mauvais esprits. Puis des têtes « Ishan » (dynastie Ming, autour du XVe siècle en Chine) représentant des disciples de Bouddha destinées à montrer la totale sérénité d’ un sage lorsqu’ il est pleinement pénétré par la joie de la doctrine du maître. Ou bien encore, tels des signes constitutifs symboliques qui pourront perdurer sous diverses formes, de l’ Antiquité à nos jours. Notamment l’ allongement des crânes chez les Mayas d’ Amérique centrale (vers le Ier siècle ap. J.-C.), qui renvoyait à leur croyance selon laquelle l’ humanité aurait été modelée à partir d’ un épi de maïs broyé et mélangé à de l’ eau. Ou, plus récemment, des expressions de visages du célèbre « activiste viennois » Arnulf Rainer qui se photographie en mimant les grimaces convulsives « recensées » (comme il le disait lui-même) par l’ incroyable et halluciné sculpteur autrichien du XVIIIe siècle, Franz Xaver Messerschmidt. Et bien sûr, nombreux sont les signes spécifiques et ponctuels qui renvoient à l’ appartenance à un groupe, une classe, une époque… Nous n’ en donnerons qu’ un exemple simple pour ne pas s’ embarrasser avec l’ immensité et la banalité du problème : chez les jeunes « branchés » occidentaux ; cheveux longs en 1968, cheveux rasés aujourd’ hui… Tout ceci étant bien sûr « à lire » dans un Empire des signes universels tel que l’ a montré Roland Barthes.

Le portrait photographique

Evoquant la photographie on peut relever que cette technique s’ est montrée très appropriée pour le portrait. D’ abord, parce que c’ est elle qui, depuis les Anthropométries du criminologue français Alphonse Bertillon (fin XIXe), jusqu’ aux photos qui ornent toujours nos « cartes d’ identité » actuelles, permet de relever au mieux les supposées spécificités de chacun. Il n’ est pas étonnant que cette éternelle question de l’ identité, du « qui suis-je ? » et de son corollaire Rimbaldien aient travaillé nombre d’ artistes modernes et contemporains. L’ oeuvre de chacun constitue bien évidemment aussi une perpétuelle affirmation/ construction de sa personnalité (voir ici, le célèbre cas de William Utermohlen, un artiste anglais dont les autoportraits réalisés vers la fin de sa vie montrent combien il luttait au travers de la violence des rapports forme/couleur/matière de ses oeuvres contre la maladie d’ Alzheimer qui allait l’ emporter en 2007). Ensuite, parce que la photographie – évidemment bien plus que le pastel – peut saisir dans le plus court instant (et de plus en plus court avec le progrès technique) toute mimique, même la plus fugace, d’ un visage (cf. les photos de mutilations réalisées lors de performances délirantes par des artistes comme Vito
Acconci, Hermann Nitsch ou ORLAN ). Et que cette expression volée peut être traitée à loisir, soit par des trucages à l’ argentique, soit par des manipulations informatiques grâce au « tout numérique » actuel. Poursuivant sur la photographie on peut aussi se demander ce qui différencie la photo de vacances, d’ art, documentaire de la photo de « paparazzis ». Qu’ en est-il de « l’ originalité » de l’ oeuvre quand des images peuvent être tirées à « x » exemplaires ? Citons un exemple emblématique : un tirage d’ Andreas Gursky s’ est vendu en 2007 2,4 millions d’ euros ! Et, contrairement à la peinture plus pérenne, qu’ en est-il de l’ évolution et de la conservation de « l’ autochrome » ou du « polaroïd », de l’ image argentique ou de l’ image numérique et, en conséquence, de l’ image vidéo, sans oublier la récente « 3D » comme la travaille notamment Catherine Ikam ? « L’ industrie qui nous donnerait un résultat identique à la nature serait l’ art absolu. Un dieu vengeur a exaucé les voeux de cette multitude. Daguerre fut son messie », écrivait Charles Baudelaire au salon de 1859 (aux débuts de la photographie). Heureusement, la photographie n’ a pas été qu’ une simple machine à reproduire la nature. Elle a, depuis, changé de statut. Le « studium » et le « punctum » qui la caractérisent (ainsi que l’ a théorisé Roland Barthes dans La Chambre claire) ayant eux-mêmes bien évolué avec le regard mutant que nous avons été obligé de poser sur les bouleversements du monde. Deux symptômes de ce changement : d’ abord celui des « auctions » ou des expositions de « photos d’ art » qui quittent les ventes ou les expos dédiées à ce médium, pour intégrer celles « d’ art contemporain ». Ensuite, celui, encore plus frappant, de la prestigieuse Biennale de Venise qui, en 1990, a décerné son « Grand prix de Sculpture » aux… photographes allemands Bernd et Hilla Becher ! D’ ailleurs, cette appellation de « photo d’ art » (dont le grand-père de Picabia avait prédit à son petit fils « l’ avènement [et donc, en conséquence] la mort de la peinture ») est-elle aussi en train de disparaître au profit d’ une autre appellation qu’ il est convenu d’ employer dorénavant : la « photographie plasticienne » (pour « le Portrait » mais évidemment aussi pour les autres catégories). La photographie est donc un art en pleine évolution, depuis ses précurseurs comme Muybridge ou Doisneau, Nadar ou Brassaï, jusqu’ à ses redécouvertes comme celle de Man Ray avec ses portraits-photos de personnalités politiques, littéraires, etc., qu’ il réalisa quasiment en secret durant toute sa vie de peintre. Et bien sûr, ses vedettes actuelles aux cotes invraisemblables, tels Cindy Scherman, Damien Hirst, Aziz et Cucher, Nan Goldin, etc. Et des plus jeunes que nous découvrons ici, tels Eric Lafforgue ou Richard Baron dont les personnages, pourtant « en pied » retrouvent la magnifique lumière des « portraits » du XVIIe siècle. A ce moment, on ne pourra qu’ évoquer (sur ce sujet, une longue étude serait en effet nécessaire) les rapports complexes qu’ entretiennent photo et peinture tels que l’ ont pratiqué, par exemple les artistes de l’ Hyperréalisme américain (comme Chuck Close) ou français (comme J.-O. Hucleux), et dont certains ont même été qualifiés de « Photoréalistes » (cf. les « Ecrits » de leur marchand L. K. Meisel). Ceux du Pop Art (dont nous avons ici un « Portrait » inédit de Warhol) ; ceux de la « Nouvelle figuration » ou « Figuration narrative », telle que l’ a théorisée G. Gassiot-Talabot (ici avec Erro), ou plus récemment, ceux qui, comme Pierre et Gilles retouchent leurs tirages photos papier avec de la peinture. On ne saurait terminer ce rapide tour d’ horizon des problématiques qui travaillent la notion de portrait sans insister sur la délicatesse du chemin qui, dans ce champ spécifique, peut mener du mot « face » au mot « faciès »… Certes, c’ est toute l’ humanité qui, dans son histoire, a forgé les règles d’ une « physiognomonie » plus ou moins scientifique… Cette pseudo science, ébauchée depuis l’ Antiquité (Cicéron, Pythagore…), confortée à la Renaissance (Savonarole…), aura pourtant vu ses règles « confirmées », tant par certains artistes que par certains philosophes. Ainsi de Charles Le Brun qui, au XVIIe siècle entendait représenter l’ immatérialité des « passions de l’ âme » dans la matérialité des visages, ce qui lui faisait même comparer les traits de certains hommes aux traits de certains animaux… Ainsi, bien sûr, de Johann Kaspar Lavater, le célèbre physiognomoniste suisse du XVIIIe siècle qui « théorisa » que « les caractères (se) déposent dans les organismes (en y insérant) des signes reconnaissables ». Mais si certaines de ces règles permettent, en effet, de relever que telles ou telles spécificités morphologiques correspondent plus à telle ou telle population (notamment les yeux bridés chez les Asiatiques ; la peau noire chez les africains, etc.), d’ autres font plutôt honte à ceux qui les ont édictées. On ne peut oublier comment un tel « eugénisme » a pu conduire il n’ y a pas si longtemps encore, sur un racisme et une idéologie la plus abjecte : celle du nazisme… (A noter que, dans la fameuse exposition de « L’ Art dégénéré » organisée par les nazis en 1937, l’ essentiel des tableaux représentait… des portraits !). On l’ aura compris, les problèmes soulevés par cette appellation apparemment banale de « Portrait » sont en fait énormes ! Et ce livre n’ entend bien sûr pas y apporter des solutions théoriques définitives mais, plus simplement, montrer comment les artistes qui y sont sélectionnés ont pu traiter – consciemment ou non – de certains, ou plusieurs de ces problèmes. A travers le prétexte de cette thématique, il entend ainsi faire un panorama le plus large possible de la création actuelle, en montrant la diversité des techniques, des formalismes, des genres, des approches, que ces artistes peuvent employer pour réaliser leurs portraits aujourd’ hui. Nous pourrons ainsi remarquer : En sculpture : du matériau le plus classique (Joseph Erhard, Laurent Mallamaci…) au plus inattendu (les chiffons de A. V. Dupond, les tapisseries de Moga Lazar, les assemblages de Kaj Ficaja…). Ou encore, de la plus déformée (Estella Currao…) à la plus naturaliste (Mauro Corda…). En graphisme : du dessin le plus essentialisé (Jérôme Dimer, Yvon Kergal, J.-C. Taillandier…) à la couleur la plus expressive (Maurice Pacaud…). En matière : de la plus délicate (Bea Vangertrejdem, Valérie Gavaud, Priscila Legoux, Sergio Moscona…) à la plus rugueuse (Palesi, Sciancalepore, Jean Louis Bessede…). En photo : de la plus traditionnelle (Niels Devernoy, Nathalie Dincamp…) à la plus sophistiquée (Theresa Tyszchiewiz, Van de Win…), ou encore à la plus poétique comme chez Claude Mollard. Celle impliquant une recherche informatique plus novatrice (les images « 3D » de Catherine Ikam, les sursaturations de Sophie Chastain ou les « estampes numériques » de Roulland et Guillaume…). Celle utilisant le photomontage (Marina Obo…), ou un mélange de « photo/peinture » (Pierre et Gilles, Igor Bitman…). Quant aux styles : cela ira de la Figuration la plus « narrative » (avec bien sûr Erro, mais aussi J.-B. Pouchous, Florence Patte, Michel Galliot, Moréno Pincas…) à la plus expressionniste, que ce soit par le geste (Cécile Gely, Laurent Bahanag, Johana Flatau…) ou par la couleur (Martine Martine, Dorothée Leymarie…), ou bien à un mixte des deux comme avec Thierry Loulé. Ou bien encore d’ une Figuration plus « émotive » (Sereirroff, Laurent Dauptain…) à une plus « réaliste » (Jean-Jacques Bailly…). D’ un art plus « brut » (Joël Crespin, Catherine Roumanof, Haude Bernabé,…) à un plus « naïf » (Ghislaine Lagies, Tosca…) ou, au contraire, plus sophistiqué (Cédric Galopin, Dominique Cozette…). De l’ Hyperréalisme (bien sûr avec Chuck Close, mais aussi avec Richard Harper, Denis Rivière, Isabelle D., Mary A. Waters, Colette Patarot…) au fantastique (Tudor Banus, George Mazilu, Martine Luttringer, Lukas Kandl, Ody Saban…). Quant au traitement du sens de la vie et de la société, cela ira du plus humoristique (Christophe Faso, Anton Solomoukha, Emmanuelle Tournois, Forlini…) au plus dramatique (André Chabot, J.-P. Clément, Nicholas Maldague, J.-M. Aude, Christophe Bonacorsi…) en passant par les happenings esthético-philosophico-politico-comiques de Pierre Pinoncelli. A noter que cet opus s’ enorgueillit de présenter des vedettes internationales telles que Alberto Giacometti, Jean Dubuffet, Lucian Freud, Matthew Barney, Chuck Close, Andy Warhol, ORLAN, Catherine Ikam, etc., montrant ainsi comment ces figures historiques ont su forger ses lettre de noblesse à cette catégorie à part entière de l’ Art Contemporain qu’ est le portrait.

Nous ne pouvons bien sûr pas citer dans cette préface les quelque 150 artistes qui composent cet ouvrage, encore moins les commenter ; chacun a, de toute façon, à sa double page rangée par ordre alphabétique, une petite explication personnelle et une courte biographie. Nous espérons cependant qu’ à partir de là, le lecteur qui aura consulté attentivement la richesse de cet ouvrage, pourra ainsi, d’ une façon la plus objective possible, tirer le portrait de l’ essentiel de la création contemporaine…

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