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Nature Art Today, préface de Francis Parent

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Les origines du paysage

Comme l’a bien montré Anne Caquelin,  » l’invention du paysage  » (1) est une série de constructions où chaque forme contient en elle les images  » pliées  » de formes plus anciennes. depuis toujours le spectacle de la nature fut pour l’Homme objet d’émotion. La faune la flore, les merveilles des saisons, la variétés des espèces n’ont cessés de le séduire et le rendre heureux, au point qu’il veuille en faire des représentations qui s’inséreront donc dans ses multiples  » plis « . Pourtant, pendant longtemps, la nature, la nature n’a été pour les peintres qu’un simple décor de batailles et de sujets religieux. Sur la liste académique des genres, le paysage n’occupait qu’une place secondaire et il aura fallu attendre le Romantisme pour que le culte de la nature fasse vraiment son entrée dans la Littérature et les Arts.
 » L’or des genets et la pourpre des bruyères frappaient mes yeux d’un luxe qui touchait mon cœur  » écrivait Rousseau en précurseur célèbre de ce sentiment  » romantique  » qui s’est largement développé après lui. Dans le courant du 19ème siècle les paysagistes anglais et l’Ecole de Fontainebleau mettent à la mode les forêts, les montagnes sauvages et les jardins feuillus où hommes et animaux trouvent un cadre plaisant de vie. Grâce à de grands artistes comme Turner, Courbet et bien d’autres, le paysage avec tout ce qui l’habitait acquiert de plus en plus d’autonomie, devenant un sujet à part entière. Il faut dire que les voyages étaient devenus plus courants et faisaient découvrir aux artistes des lieux toujours plus pittoresques et de nouvelles ambiances aquatiques. Ces découvertes ont changé le langage pictural aussi que le regard des amateurs d’art. Et d’ailleurs, aujourd’hui encore, est-ce qu’on peut regarder un paysage sans penser aux Impressionnistes ?

La réinvention de la nature

Au tournant du XXème siècle la nature règne dans les tableaux des peintres qui, souvent groupés, se déplacent donc pur savourer des paysages variés et mieux capter les vibrations, les couleurs et les différents types de lumières. Des paysages naturalistes, cloisonnistes, expressionnistes, cubistes voient le jour rivalisant avec les prouesses parallèles des nouveaux venus que sont les photographes.
C’est d’ailleurs ce spectacle toujours changeant de la nature qui, mieux que toute autre chose, s’est offert à la déformation et la stylisation des nouvelles tendances. C’est grâce à lui que l’art du peintre effectua ses grandes avancées vers un tableau qui, au lieu d’imiter la nature, l’a réinventée. L’artiste projetant sur le paysage ses pensées et ses sentiments, Culture et Nature se confrontèrent et se confondirent. Ainsi matisse dira que  » le paysage réel n’existe pas  » et que ce qu’on voit dans le tableau n’est que la vision de l’artiste projetée sur la nature. Mais c’est Mondrian qui accomplit la rupture définitive avec le modèle naturel. A force de dessiner des versions répétitives et minimalistes des côtes du Nord il arriva à une simple ligne totalement dépouillée : l’horizontale. Avec lui le spectacle de la nature, radicalisé, intellectualisé à outrance, devient alors une composition conceptuelle, purement abstraite.
Au cours de la deuxième ère industrielle on assiste à une grande poussée d’urbanisation qui réduit encore plus le contact avec la nature, l’amour du paysage et d ses représentations. La culture des grandes villes contribue à la désaffection et du déclin progressif du genre, entraînant les artistes vers des sujets plus anthropocentristes et plus urbanistiques.
Après la dernière Guerre, l’intérêt des artistes se recentre sur ce qu’on appellera désormais le paysage urbain : la rue, les murs, les buildings sont au centre des œuvres d’art. Les Pop ‘artistes, par exemple, chantres de l’urbanité, s’attachent aux objets, aux artifices du quotidien et aux images d’emprunt ; ils sont alors très loin de la nature. Il faut attendre les années 70 pour retrouver des artistes nostalgiques de la nature et qui cherchent un biais pour la réintroduire dans leurs œuvres. Ce mouvement , avec sa démarche conceptuelle, s’appellera le Land art. Si ses artistes ne se ressemblent point par le style et qu’ils adoptent des attitudes très diverses, tous pourtant cherchent à sortir de la ville et à s’emparer du paysage de diverses manières, surtout à travers des  » actions « . Ce seront de longues promenades, des aménagements de sites et d’éléments naturels, des inventions d’itinéraires, des arrangements quasi sculpturaux de pierres, etc. Mais ce mouvement, en tant que tel, ne durera pas très longtemps laissant pour un long moment le culte du paysage aux photographes plus classiques.

pendant les années 80, marquées par un retour vers la peinture, on découvre un nouvel intérêt pour la nature et le paysage. Il s’agit d’une nature souvent vue par l’intermédiaire de procédés photographiques et des techniques du Pop’art. Une nature tantôt violée, travaillée par la main de l’homme tantôt assagie, voire menaçante, en tout cas peu naturelle. Elle correspond plus que jamais à la vision de l’artiste qui – à l’encontre des beaux paysages de l’art classique – choisit cette nature pour lui projeter ses fantasmes et ses angoisses, pour la faire parler du monde actuel, son vide, sa cruauté et sa solitude.

Les paysagistes d’aujourd’hui utilisent les nouvelles techniques devenues disponibles comme les impressions et surimpressions mécaniques, les images reportées par épiscope, la photographie comme citation et source d’inspiration, la vidéo, et bien sûr la dernière née qu’est l’image numérique. A ce propos, remarquons, avec Anne Cauquelin, que le mo  » site  » désigne dorénavant aussi bien un espace réel géographique qu’un espace virtuel informatique.
Encore fidèles au paysage urbain ils parlent cependant de tout paysage aussi bien terrestre que stellaire, lançant parfois aussi des messages écologiques. Ce goût récent de la nature peut d’ailleurs être interprété comme une sorte de nouveau Romantisme, contre-pied du trop grand  » réalisme  » de nos sociétés actuelles.
Mais le paysage n’est pas toute la Nature et ce livre nous emmène justement à la découverte de tous les aspects possibles concernant ce rapport art / nature ; du paysage le plus classique au travail sur (ou avec) la nature le plus d’avant-garde, de la Zoographie (les animaux faisant bien évidemment partie de  » la Nature « …) aux différentes formes d’Ecologie ou du travail de la nature sur elle même (métamorphose, pourrissement,…). Ainsi, à travers une thématique choisie restreinte, la Nature, c’est – via une sélection rigoureuse des artistes retenus – à un panorama le plus complet possible des tendances de la création artistique d’aujourd’hui (dans tous ses  » plis « …), que nous convie ce beau livre.

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